jeudi 17 mars 2016

On a enterré la machine utile

Cet article a d'abord été écrit pour les news de Fuck da Tourist. Je me contente de le copier ici par fainéantise. Mais, l'hommage au lieu est sincère. Les vidéos de cette soirée avec CQRSA et Fuck da devraient arriver un jour, peut-être.
Voilà, 2mn de lecture avec des images rien que dans ta tête.

Ça y est, on a enterré La Machine utile ! Mourir à 20 ans… Certains m’ont dit :  « Une fois de plus ! Combien de fois on l’a enterrée La Machine utile ? 2, 3, 4 ? Allez, on y reviendra dans 6 mois ! »
On a beau être optimiste, on l’a quand même enterrée ! Et à moins d’une résurrection à la Béatrix Kiddo, on se retrouve orphelin d’un putain de lieu qui a tant fait pour moi, pour nous, pour toi peut-être. Y’a peut-être des gosses qui y ont connu leurs premiers émois de concerts, y’a peut-être des gens pour qui c’était la libération hebdomadaire, y’a peut-être des costards cravates qui y ont aimé des iroquois aux cheveux verts, des métalleux qui y ont levé le poing avec des punks et des punks qui y ont kiffé des solos de guitare, y’a peut-être des gens qui n’avaient plus l’âge mais qui l’ont retrouvé, y’a peut-être des amoureux de peinture classique qui ont tripé sur une aile d’avion posée devant un bus antique au milieu d’un amoncellement hétérogène d’ustensiles utiles dans un futur plus ou moins proche ? 
La Machine utile, ça enclenche forcément la machine à souvenirs. J’me souviens comment on s’y est caillé l’hiver, en attendant que le public arrive pour que ça crée de la chaleur. Et l’Underground family qui s’activait pour gérer les groupes, les entrées, la bouffe, le bar… J’me souviens qu’ils/elles y ont mis une sacrée dose de chaleur humaine là d’dans, à tel point que t’en oubliais le froid, la nuit, la fatigue, que tous les packs étaient vides et que tu sortais du hangar au p’tit matin, surpris que ce soit le p’tit matin, prêt à remettre ça le plus vite possible. Et les concerts d’été, tout le monde courait dehors entre les groupes, histoire de chopper un peu d’air avant de replonger dans le sauna de sueurs. Je m’souviens d’une après-midi autour d’un godet de rouge à causer d’une compile sortie de la tête de Loaf et qui devait rassembler les groupes du coin morts ou vivants. Et du récit d’une épopée montpelliéraine avec Mister Burger au volant du bus, oui ce bus-là. Je m’souviens de ma gamine à 5 balais, fière comme tout de tenir la caisse et de tamponner du punk. Je m’souviens de concerts estivaux où j’ai pas mis les pieds dans la salle, prenant plutôt plaisir à discuter dehors en me disant merde j’ai raté le premier groupe, et tiens le deuxième aussi, euh y’en a pas un troisième ? Je m’souviens que depuis le parking des pots de peinture, quand on arrivait en même temps que des inconnus, on faisait style qu’on n’allait pas au même endroit, et on avançait dans la rue chacun pour soi, des fois que les autres viennent rendre visite à leur mamie Ginette un peu plus haut dans l’impasse. Je m’souviens de têtes brûlées redevenues des gamins malicieux essayant d’échapper à la vigilance du maître des lieux pour pisser sur la haie du voisin. J’me souviens de sourires, de conneries assénées comme des vérités, de vérités camouflées derrière des conneries, de fous-rires, de rencontres, jamais une engueulade, jamais un geste de violence, peut-être une saute d’humeur un soir, mais bon fallait bien que. Je m’souviens qu’on y était pas des consommateurs, surtout pas des clients. J’me souviens du « Oh les copains ! Les copains ! Oh, Bordeaux, vous allez pas les laisser partir comme ça ?! » Ouais, c’est exactement ça, on se connaissait pas, mais on était des copains parce qu’on avait un truc à partager. J’me souviens qu’on y a fait notre premier concert en mars 2004 et qu’on y est revenu en novembre la même année, un changement de chanteur plus tard. C’est dire si on y est né.
Et quand le temps sera loin de ces 20 ans, et qu’on boira encore une dernière fois en parlant de ce qui a été, fidèles anciens combattants du punk rock, la seule cause qu’on ait ralliée, je m’souviendrai qu’on y a joué pour le dernier concert et que pour nous cet enterrement était une résurrection : la fin de La Machine utile marquait le début de nos nouvelles aventures en retrouvant notre chanteur. C’est dire si on y est re-né. Je me souviendrai de ce putain de concert parce que c’était là, pour cette occasion-là, parce que cette clameur surprise après « Manipulation », parce que nos potes, parce que La Machine utile a dansé. Je m’souviendrais peut-être qu’une semaine après l’enterrement du lieu, quelqu’un m’a dit qu’il n’en avait jamais entendu parler et que j’ai trouvé ça triste d’être passé à côté de tout ça.
Mais peut-être qu’au prochain concert dans 6 mois !

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